Que se trouve derrière la formule de migration environnementale ? Un réfugié climatique, un déplacé climatique, un migrant environnemental ? Si ces termes sont souvent utilisés par les médias, leur définition tout comme leur chiffrage ne sont pas simples. Eléments d'explications.
Si le terme de déplacé climatique a pu être beaucoup utilisé, celui-ci ne semble pas convenir pour couvrir l'ensemble des déplacements de population comprenant un facteur environnemental. En effet, les chercheurs travaillant sur les questions de migration se montrent réticents à utiliser ce terme, qui selon eux, n’est pas un phénomène en soi. Parler de migration fait référence à des causes multi-factorielles, contexte économique, social ou politique, qu'il serait difficile de résumer en un seul facteur.
Parmi les migrant.e.s environnementales/aux, certains groupes se trouvent plus exposés à des situations vulnérables : c’est le cas des populations les plus pauvres, très vulnérables aux changements climatiques. Et pourtant ces populations ne sont pas celles qui ont la possibilité de migrer. Beaucoup, si elles le peuvent, se déplacent à l’intérieur d’un même pays et de la sous-région de leur propre continent, voire au-delà. Ces personnes déplacées ne se retrouvent bien souvent pas protégées par le droit international, alors qu’elles sont pourtant prioritaires. Les peuples autochtones sont également particulièrement vulnérables et n’ont pas la possibilité de s’adapter convenablement aux effets néfastes des changements climatiques. Ils subissent de plein fouet l’expropriation de leurs terres pour des projets étatiques ou privés. Ces mêmes projets néfastes contribuent à la détérioration de leur environnement en polluant les rivières ou les sols.
Faut-il utiliser le terme de réfugié·e ou de migrant·e ?
Les réfugié·e·s, au sens de la Convention de Genève de 1951, concernent « ceux qui se trouvent en dehors de leur pays de nationalité, qui craignent pour leur vie en raison de leur race, de leur religion ou de persécutions politiques. » Les changements climatiques et environnementaux n’étant pas encore considérés comme les causes d’une persécution, le terme de réfugié·e n’est pas juridiquement adapté. Point d’attention supplémentaire, il convient de différencier les migrant·e·s environnementales/aux internationales/aux, qui traversent une frontière, et les déplacé·e·s environnementales/aux internes, qui ne franchissent pas les limites de leur territoire.
Faut-il utiliser le terme de migrant·e climatique ou environnemental·e ?
Le terme « climatique » est aujourd’hui contesté car il ne prendrait en compte que les phénomènes dus aux changements climatiques et donc au réchauffement de la température moyenne. Ainsi, il exclut les déplacements dus aux projets étatiques ou privés nuisibles pour l’environnement tels que l’expropriation forcée des terres ou encore les accidents industriels. Le terme qui semble faire plus consensus serait donc « environnemental·e », car il recouvre à la fois les catastrophes naturelles soudaines et les phénomènes de dégradation lents pouvant amener à la disparition physique d’un Etat, par exemple les Iles Tuvalu.
Ce terme intègre aussi les ruptures environnementales dues à l’activité humaine qui font craindre un mouvement de déplacements de populations. Une première définition des déplacé·e·s environnementales/aux a été élaborée par Essam El Hinnawi pour le Programme des Nations Unies pour l’Environnement en 1985, en ces termes : « ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ». L’Organisation Internationale des Migrations parle quant à elle des migrant·e·s environnementales/ aux. Elle les définit comme personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons de changements soudains ou progressifs dans l’environnement qui affectent leur vie ou leurs conditions de vie, sont obligés de quitter leur domicile habituel ou choisissent de le faire, temporairement ou définitivement et qui se déplacent sur leur territoire ou à l’étranger.
Des prévisions chiffrées très diverses
Selon les estimations de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), le nombre des migrants climatiques pourraient être, d’ici à 2050, de 200 millions. Elles pourraient atteindre, à la fin du siècle, jusqu’à 1 milliard de personnes en fonction de l’augmentation de la température. Ces migrations peuvent être temporaires, certaines sont permanentes. Elles se concentrent souvent dans le même pays, la même région ; avec leur extension, les migrations internationales vont s’accroître. Les régions potentiellement les plus concernées par ces phénomènes migratoires liés au climat, sont l’Afghanistan, le Bangladesh, la majeure partie de l’Amérique centrale, des portions de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie du Sud-Est » (étude OIM, conférence de Copenhague, 2009).
L’OIM prévoit entre 25 millions et un milliard de migrant·e·s environnementales/aux d’ici 2050. Le rapport Groundswell de la Banque Mondiale a publié des chiffres en mars 2018 basés sur des modèles micros, élaborés sur les cas du Mexique, de l’Inde et de l’Ethiopie, puis extrapolés aux ensembles continentaux. Ce document évalue à 143 millions le nombre de migrant· e·s lié·e·s au climat au sein de grandes zones continentales en Amérique du Sud, Asie du Sud et Afrique. Ces migrations peuvent avoir lieu au sein d’un pays ou prendre la forme de déplacements transfrontaliers, bien souvent entre pays du Sud.
Le lien entre changement climatique et déplacements de population est clairement établi dans les prévisions comparées du GIEC. Un demi degré de réchauffement supplémentaire, entre 1,5 °C et 2 °C, aura d’importants impacts. Cela représente une augmentation de la température moyenne dans la majorité des terres et de l’océan, la hausse des températures extrêmes, des pluies torrentielles dans certaines régions et une probabilité accrue de sécheresse et de déficits de précipitations dans d’autres.
Cet article a été réalisé en reprenant le document Etat des lieux ’les migrations environnementales pour les nul.le.s’ réalisé par le réseau Des Ponts Pas Des Murs et disponible en ressources documentaires.
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