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A Haiti, l’éducation à l’environnement : une véritable mission

Pour agir face au changement climatique, il est important de comprendre les enjeux du développement durable. L’éducation environnementale est donc essentielle pour aider les citoyens à adapter leurs pratiques, notamment agricoles, qui à l’instar de la culture du Vétiver à Haïti, répondent parfois à des besoins immédiats, mais créent des problèmes à moyen et long terme.

Le terme d’éducation à l’environnement et au développement durable, assez récent, date du début des années 70. Initialement prise en charge par des associations et militants, la promotion de l’éducation à l’environnement a été confiée par les Nations Unies à l’Unesco en 2002, en vue de l’élaboration d’un projet de programme d’application international. Ce programme avait pour but de proposer aux gouvernements des moyens en vue de promouvoir et d’améliorer l’intégration de l’éducation pour le développement durable dans leurs politiques, stratégies et plans éducatifs. La France a développé une stratégie nationale de développement durable en 2003, pour renforcer le lien entre les écoles et la société civile pour permettre aux futurs citoyens d’acquérir des connaissances raisonnables en matière d’environnement et de développement durable et de devenir des acteurs responsables pour une nouvelle société.

De nos jours, l’éducation environnementale de la population (principalement les jeunes écoliers) joue un rôle important pour changer leur attitude et leur comportement vis-à-vis des dérives environnementales. C’est la planète entière qui fait face à une crise environnementale inquiétante provenant des actions irresponsables de l’homme sur l’environnement. Face à cette situation, Haïti n’est pas épargné, au contraire, la situation actuelle de l’environnement constitue un grand défi. Pourtant, la société Haïtienne ne dispose d’aucun programme scolaire lié aux thématiques de l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD), d’aucune campagne de sensibilisation sur la gestion des déchets, ni même de poubelles dans les rues ou les cours d’école, ou de collecte des déchets.

Il est d’une importance capitale de susciter chez tous des comportements individuels favorables à une gestion durable et respectueuse à l’environnement. Les plus jeunes sont particulièrement sensibles aux questions d’éducation à l’environnement, et de bons ambassadeurs. En 2016, à Haïti, dans le cadre d’un atelier en milieu scolaire de gestion de déchets, j’ai demandé aux écoliers d’apporter un petit bac à compost. Les parents ont témoigné de l’enthousiasme de leurs enfants pour participer au projet, trouver le matériel et participer à ce programme de collecte des déchets. Cet enthousiasme a permis aux adultes d’en savoir plus et de s’intéresser à la question des déchets.

Pour pouvoir agir en citoyen responsable, il est important de comprendre les enjeux du développement durable. Parfois le manque d’éducation à l’environnement pousse les gens à contribuer à la dégradation de l’environnement par leur façon d’agir ou de penser au quotidien. C’est le cas des mauvaises pratiques agricoles, par exemple la culture vétiver en Haïti. Avant, le vétier était cultivé sur les terres qui ne pouvaient plus produire. Mais avec l'augmentation de l'intérêt pour ses racines, particulièrement par la parfumerie occidentale, des cultivateurs ont remplacé les bananiers et autres cultures de subsistance par le vétiver, dont la récolte, avec les racines, appauvrit les sols. Les paysans on besoin d'argent. Mais si le vétiver perd de sa valeur de marché, qu'adviendra-t-il d'eux ?

Un passé marquant

Haïti est un pays essentiellement agricole avec trois quarts de montagnes. Jusqu’en 2006, la végétation était très dense et très diversifiée. Presque chaque haïtien possédait un arbre, planté avec leur cordon ombilical à leur naissance. Et sur tout le territoire haïtien on cultivait sur une même parcelle des arbres forestiers, des arbres fruitiers et d’autres cultures comme le cacao, le café, le haricot, le maïs, l’igname etc. Chaque famille avait souvent une petite parcelle dans leur cour appelée « jaden devan pot », dans laquelle étaient cultivés des légumes et des plantes médicinales. La fertilité des sols était assurée par la friche ou la jachère de 3 ou 4 ans.

Depuis plusieurs années on observe une dégradation importante du milieu rural en Haïti. L’érosion des sols et la déforestation constituent un grave problème. Ceci est dû à des catastrophes naturelles et de la croissance de la population, avec une coupe massive des arbres pour la fabrication du charbon de bois qui représente la principale source d’énergie pour la majorité des ménages en Haïti. Actuellement, Haïti possède seulement 2% de forêt sur tout le territoire, ce qui fait de lui l’un des pays le plus déforestés de la caraïbe.

Une implantation pleine de promesse

Dans les années 80, suite à un cyclone qui a dévasté le pays et laissé la majorité des terres agricoles vides et sans arbres, les exploitants du Sud d’Haïti ont décidé de planter du vétiver pour combler ce vide et restituer la fertilité de ces sols. Le vétiver est une plante herbacée qui ne craint ni les cyclones, ni le vent, ni la sècheresse prolongée. En 2016, c’est la seule culture qui a résisté à l’Ouragan Matthew. Longtemps, le vétiver a été cultivé pour deux usages principaux. D’une part l’exploitation des parties aériennes (feuilles) pour construire les toits de maisons et fabriquer des articles artisanaux. D’autre part la protection des sols, grâce aux racines laissées en terre pour empêcher l’érosion, notamment sur des bassins versants. Ses racines profondes permettent en effet l’infiltration d’environ 90% de l’eau de pluie, qui est donc correctement absorbée par le sol et créé des nappes phréatiques. La terre, maintenue par les racines, est également moins sujette à l’érosion.

Le vétiver haïtien, un trésor toxique

Dans le sud d’Haïti tout change avec l’arrivée d’une usine à vétiver dans les années 1990. Elle utilise les racines du vétiver pour en extraire une huile destinée à l’exportation, principalement vers les pays européens. Cette huile est utilisée dans la fabrication de parfums haut de gamme. Jusqu’en 2006, la quantité de terre cultivée en vétiver était raisonnable, avec l’exploitation des autres cultures pérennes pour assurer l’alimentation des familles. Mais à partir de 2007, une forte demande du marché mondial fait augmenter les surfaces cultivées en vétiver. Le très peu d’arbres restaient ont été abattus pour laisser place à la culture du vétiver.

L’intérêt particulier pour le vétiver au détriment des cultures vivrières n’a jamais baissé, principalement autour du bassin versant de Cavaillon, particulièrement les communes de Cavaillon, Boulmier, Laurent et Port-Salut (réf : Freeman 2011). Si le vétiver est habituellement considéré comme une culture qui protège la terre de l’érosion hydrique, ce n’est malheureusement pas le cas au sud d’Haïti. Cultivé sur des versants à forte pente et récolté avec ses racines (« la fouille »), le vétiver favorise et accélère le processus d’érosion des terres. D’après les agriculteurs, les terres cultivées en vétiver sont désormais incapables de produire d’autres plantes, particulièrement les vivrières. Des espèces comme les caféiers, les cacaoyers, le manioc, le taro et l’igname ont disparu au fur et à mesure.

Pourquoi les paysans privilégient-ils cette culture malgré les dégâts qu’elle provoque ? Le vétiver est pour eux une plante miraculeuse et vitale, un trésor qui joue un rôle économique crucial dans leurs vies. Cette culture rémunère d’avantage que celles qu’ils pratiquaient avant, avec l’usine juste à côté et le prix du vétiver qui ne cesse d’augmenter.

Une solution incertaine

Selon les agriculteurs, aucune autre culture ne peut pousser sur les pentes où le vétiver a été récolté avec ses racines, puisque cette façon de la récolter emporte avec les racines les terres fertiles. Même s’ils sont conscients des dégâts causés par la culture du vétiver, ils ne voient pas d’alternative, puisque la culture du maïs ou des haricots est moins avantageuse avec un marché moins sûr. Malgré les risques à moyen et long terme, de plus en plus de personnes se convertissent donc à cette culture, même si certains agriculteurs considèrent qu’il est important de diversifier au cas où il y aurait une chute du vétiver sur le marché international.

Des mesures adaptées sont actuellement envisagées pour réduire la dégradation des sols due à la culture du vétiver tout en cherchant à améliorer la stabilité et la durabilité de la production. L’Agence Française pour le Développement (AFD) prévoit par exemple de développer un système associant la culture du vétiver avec la culture cacaoyère. Cela permettra de protéger les bassins versants et en même temps de dynamiser les deux filières dans le département du sud qui sont actuellement en forte demande à l’échelle internationale. La combinaison des systèmes agroforestiers permettra une nette amélioration du revenu des producteurs tout en contribuant à la préservation des ressources (sols, couvert forestier, eau, ect…).

En Haïti comme ailleurs, formations et pratiques agricoles durables seront la seule façon de convaincre les populations rurales : les agriculteurs n’écoutent pas avec leurs oreilles mais avec leurs yeux. Éduquer à l'environnement revient alors à partager des savoirs, pratiques et valeurs en réponse à des demandes qui évoluent.

Souvent dans les films on voit des super héros sauver leur planète. A l’étape où nous en sommes, chaque citoyen doit prendre conscience du super héros en lui. Protéger cette belle planète est une affaire de tous. L’ONU l’a annoncé : les 7 milliards d’habitants de cette planète doivent devenir des acteurs de la transition, afin de concrétiser les objectifs du développement durable (ODD) de l’ONU pour l’horizon 2030.

Genise Pierre

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