L’exploitation de ressources naturelles est trop souvent liée à des guerres, précisément pour avoir le contrôle sur les régions qui en regorgent et bénéficier des profits qu’elle génère. La RDC ne le sait que trop bien. Instituer le crime d’écocide serait une étape importante et utile pour que les entreprises impliquées dans l’exploitation des ressources soient elles aussi tenues pour responsables des dégâts causés.
L’un des principaux défis de notre ère est d’arriver à combler les besoins de l’Homme tout en minimisant de manière significative son empreinte écologique. Nous ne pouvons plus nous permettre d’imaginer ni le présent ni l’avenir sans penser à la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences sociales. Cela suppose des efforts tant au niveau individuel que collectivement pour trouver des alternatives écologiquement viables à la production de masse qui est le châssis du capitalisme et de la mondialisation présente dans pratiquement toutes les sociétés à travers le monde. Nos économies et nos modes des vies sont basés sur la surproduction attisée par la surconsommation, l’équation qui émane de cela oppose une production « à outrance » et la protection de notre environnement qui impose bien souvent une limite à cette façon de produire. Ces deux modes de pensée ne sont pas compatibles ce qui provoque bien souvent des crispations.
Il est néanmoins nécessaire de commencer à envisager une autre façon de vivre, une transformation sociétale, ce qu’on appelle communément la transition écologique. Cela suppose de mettre la technique au service de l’éthique. La technique toute seule est aveugle, l’état de la planète en est la preuve. Partant de ce postulat, la recherche de la paix serait cette « éthique » et l’écologie le « moyen » par lequel on accède à la paix.
A première vue ceci peut paraitre illusoire, d’abord parce que le lien entre l’écologie et la paix n’est pas très évident. On peut penser qu’il est possible de vivre en paix sans se soucier de l’état de la Terre. Mais la coïncidence est plus que frappante entre accès aux ressources naturelles et les guerres. Pour illustrer ce propos, prenons le cas de la République Démocratique du Congo et les très nombreux conflits qu’il a connu et qui continuent jusqu’à présent. Nous verrons que certaines mesures environnementales, notamment la reconnaissance des écocides, pourraient être des instruments écologiques pour la paix par leur caractère contraignante et donc dissuasifs pour les multinationales.
La RDC, du Caoutchouc au coltan et cobalt.
Depuis sa création à la conférence de Berlin en 1885, la République Démocratique du Congo n’a jamais connu la paix, à cause de richesses qu’il possède et qui ont souvent servi à la guerre. Le grand malheur de ce pays est de posséder des richesses qui correspondent aux besoins du moment et sont donc convoitées par le monde entier. Avant d’être une colonie belge (période de 1885 à 1908), le Congo a été un « Etat indépendant », appartenant au seul roi Belge, Léopold II. Cet Etat ne servait en réalité qu’à exploiter les populations pour récolter du caoutchouc afin de satisfaire l’industrie de l’époque. On estime à 10 millions le nombre de congolais tués pour obtenir du caoutchouc et de l’ivoire. « Congo, une Histoire » de David Van Reybrouck et « Il pleut des mains au Congo » de Marc Willz abordent ce génocide, ainsi que l’exigence de l’administration belge que ses fonctionnaires coupent la main de chaque indigène tué pour justifier de l’utilisation d’une balle.
La colonisation et les minerais
En 1908, Léopold II cède à l’Etat Belge le Congo qui devient ainsi une colonie officielle du pays (non plus d’un seul homme). On découvre que cet immense territoire regorge de ressources, notamment d’or, de pierres précieuses (diamants), de cuivre, fer et d’Uranium. L’uranium du Congo sera d’ailleurs utilisé dans les bombes nucléaires qui ont frappé Nagasaki et Hiroshima. Le cuivre, lui, servira dans la guerre de Vietnam plus tard pour les douilles de balles.
De l’indépendance à la « première guerre » du Congo (1960-1997).
Grâce à Patrice Lumumba, le Congo accède à son indépendance. Quelques mois plus tard, le pays se déchire. La plus riche des provinces, le Katanga, soutenu même incité par les multinationales occidentales se lance dans une guerre de sécession. Lumumba est assassiné en 1961 et le Katanga réuni au Congo trois ans plus tard.
Le Congo est ensuite dirigé par Mobutu qui renomme le pays Zaïre, et reste au pouvoir pendant 32 ans. En 1997 Laurent Désiré Kabila soutenu par ses alliés du Rwanda et de l’Ouganda chasse Mobutu du pouvoir. C’est la première guerre du Congo (1997-1998). Laurent Désiré Kabila était soutenu par la population qui n’en pouvait plus de Mobutu. J’avais 2 ans à cette époque, mais je me souviens bien des années qui ont suivi : du sang dans la rivière Mulongwe, des bruits des balles, des hommes armés qui sont entrés dans notre quartier et ont pris une jeune femme qui n’est jamais revenue. Je me souviens des mots tel que : Maî Maî, RCD, les Banyamulenge, Banyarwanda, Baganda. Dès 1998, la deuxième guerre du Congo, aussi connue comme « la première guerre mondiale africaine » a commencé, impliquant jusqu’à plus de neufs pays. Les amis d’hier sont devenus les pires ennemis. Là encore les ressources minérales de la RDC étaient en cause : le monde avait désormais besoin du coltan et du cobalt pour l’économie électronique. Certaines multinationales n’hésitent pas à signer des contrats d’exploitation de mines avec des groupes armés non réguliers. Entre temps le voisin Rwandais devient le premier exportateur du Coltan au monde, alors qu’il en dispose de bien moins que la RDC, et l’Ouganda exporte de l’or au-delà de sa capacité de production. L’assassinat de Kabila en 2001 n’apaise pas la situation, bien au contraire. Par convention, on dit que cette guerre prit fin en 2003… alors qu’aujourd’hui encore on compte pas moins de 100 groupes armées dans l’est de la RDC et on estime qu’entre 1998 et 2014 les combats ont fait 6 millions de morts et plus de 4 millions de déracinés, sans oublier les très nombreux viols, pratiqués comme une arme de destruction massive à bas coût aussi bien par les bandes armées que par les soldats réguliers (FARDC).
Ces drames ont un point commun : la satisfaction de la demande d’industries capitalistes occidentales. C’était vrai à l’époque du caoutchouc, c’est encore vrai aujourd’hui avec le coltan et le cobalt.
La guerre sur l’environnement
Les guerres ont des conséquences irréversibles sur l’environnement, notamment à cause des produits hautement toxiques qu’on y utilise. Par manque de volonté politique, on ne dispose pas au Congo d’études permettant de mesurer ces conséquences sur l’environnement, mais il est certain que le Congo gardera des séquelles notamment à cause de l’arsenic présent dans certains obus.
N’oublions pas que les populations civiles les zones de guerre et se retrouvent souvent cantonnées dans un espace réduit (souvent des camps), où toutes les ressources disponibles (le bois pour se chauffer et construire, la viande de brousse) sont exploitées plus intensivement ce qui a pour effet d’accélérer leur raréfaction.
Pourquoi l’écologie peut être vecteur de paix ?
Les richesses naturelles de la RDC ont été jusqu’à présent une malédiction. Ce n’est pas leur seul défaut : elles ne sont pas éternelles, et sont inégalement réparties sur Terre. L’écologie propose une alternative simple : au lieu de mobiliser autant d’énergie pour des ressources épuisables, investissons dans les ressources non épuisables, qui sont de plus mieux réparties à travers le monde (soleil, vent, biomasse…).
La reconnaissance des écocides nous protégera.
En attendant que le monde se concentre sur des ressources inépuisables, il parait primordial de se doter d’instruments juridiques. Si nous sommes capables de juger Bosco Ntaganda (condamné à trente ans de prison par la cours pénale internationale) pour crimes contre l’humanité, pourquoi ne ferions-nous pas pareil pour ce qui concerne la destruction intentionnelle de la nature ? Les pertes subies par les citoyens de RDC sont irréversibles, en termes de vies humaines et de patrimoine naturel. L’industrie extractive n’est pas seulement coupable d’avoir créé ces guerres, elle continue d’empoisonner nos terres, nos eaux et tout le monde vivant avec ses produits toxiques. Ceci a des conséquences pour le présent et pour l’avenir de ce pays où la sécurité alimentaire préoccupe nombre des 80 millions d’habitants. Pour éviter des tueries de masse, il est urgent de reconnaitre les écocides au même titre que les génocides et autres crimes contre l’humanité, car cela ne s’appliquerait plus uniquement aux chefs de guerre mais également aux entreprises qui s’en rendent complices en finançant les guerres ou en déversant des produits chimiques dans les rivières ou les lacs. L’écocide sera dissuasif si chacun sait qu’il peut être poursuivi pour des actions ayant des effets irréversibles dans un territoire quelconque. Je crois que cela poussera certains à se comporter et agir d’une façon responsable peu importe qu’ils soient en occident ou en Afrique. Ainsi la question de réparation ne sera plus une question taboue, ce qui contribuera fortement à la paix, car le business ne pourra plus se faire de la même manière dans ces régions où les multinationales sont au-dessus de tout et de tous.
David Kithoko
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