La souveraineté alimentaire de l’Afrique de l’Ouest est fragilisée par des facteurs à la fois économiques, politiques, sociaux ou environnementaux.
Dans cette région du monde, les aléas climatiques considérables (hausse des températures, sécheresses, désertification des sols, parasites et invasions acridiennes, etc.) sont en grande partie causés ou accentués par les activités humaines (déforestation, surpâturage, insuffisante durée des jachères, utilisation d’intrants de synthèse, etc.). La croissance démographique élevée (+104 % d’ici 2050, source : ONU 2019) démultiplie les besoins alimentaires, d’où des importations croissantes qui fragilisent l’autonomie alimentaire de la sous-région.
Les importations alimentaires (produits agricoles non alimentaires exclus) de l’Afrique de l’Ouest (AO) ont été multipliées par 6 de 1995 à 2019 quand les exportations n’ont été multipliées que par 4. L’AO est ainsi passée d’un excédent de 1,3 Md$ à un déficit de 0,4 Md$. Ce chiffre augmente encore si on y enlève l’excédent en café, cacao, thé et épices, qui ne sont pas des produits alimentaires de base et sont essentiellement exportés, avec un déficit alimentaire multiplié par 8 en 25 ans (Source : Jacques Berthelot, SOL).
Cette dépendance accrue concerne notamment les importations de céréales qui ont doublé de 1995 à 2019 alors que la production de céréales locales (maïs, mil, sorgho, fonio) a baissé de 18,9 % (source : J.Berthelot, SOL).
Ainsi, si la production alimentaire par habitant est en augmentation, avec parallèlement aux céréales, une production de racines et de tubercules (manioc, patates douces, etc) par habitant qui a par exemple augmenté de 23,6% de 1995 à 2019 (Source : J.B., SOL), les productions locales sont largement consommées mais sont souvent plus chères et/ou plus taxées que des denrées importées provenant de pays qui subventionnent largement leurs agriculteurs.
Les gouvernements qui cèdent à la tentation de l’« agriculture industrielle » et aux importations à bas prix paupérisent les agriculteurs qui constituent pourtant la majeure partie de la population d’Afrique de l’Ouest. La production de denrées locales est abondante et réactive à la demande. Les obstacles restent cependant souvent le stockage, la conservation, la transformation et les conditions de commercialisation.
Les politiques des Etats ouest-africains subissent en parallèle la pression populaire du fait de la capacité de soulèvement des populations urbaines. L’alimentation étant une part importante des budgets des ménages, une augmentation des prix peut engendrer des émeutes urbaines comme ce fut déjà le cas en 2007-2008. Cela encourage à maintenir des prix bas et peu rémunérateurs pour les paysans. Les agriculteurs sont dispersés en zone rurale, éloignés des centres de décisions et ont donc une influence nulle sur les politiques. Enfin, les représentants politiques, souvent propriétaires de terres vouées aux cultures d'exportation ou liés à des entreprises de distribution alimentaire, favorisent les importations à bas prix et découragent le développement de la production locale.
L’Afrique de l’Ouest est témoin d’une urbanisation rapide qui transforme les économies alimentaires ainsi que d’une croissance démographique toujours très forte qui demande des créations d’emplois massives.
Le rôle de l’agriculture dans les économies nationales africaines est déterminant (66% des emplois d’Afrique de l’Ouest sont dans l’économie alimentaire, et parmi ces emplois, 78% sont dans l'agriculture (source : OCDE), ce qui en fait un facteur de développement majeur avec l’arrivée massive d’une population jeune sur le marché du travail.
Il y a donc une demande et une offre d’emplois qui peuvent se rencontrer. Reste à redonner une attractivité à ce secteur longtemps délaissé par l’Etat et dévalorisé car vu comme une occupation “par défaut”.
Une des causes principales de la crise climatique est l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre résultant de l'action humaine, y compris dans le secteur agricole. L'agriculture et l'élevage ont par exemple vu leurs émissions augmenter de 14% entre 2001 et 2011 (source : FAO). En résultent des variations de rendements, une menace constante sur les moyens de production, un difficile accès à l'eau, une perte notable de la biodiversité sur les sites agricoles, une dégradation des sols dont les paysans et paysannes sont les premières victimes. L'agriculture est ainsi à la fois responsable et victime de ces changemens climatiques.
Une transition s'impose vers un système agricole et alimentaire plus durable et solidaire afin de permettre aux populations africaines de traverser cette crise climatique.
Des décisions politiques importantes peuvent aider les populations à surmonter ces défis en appuyant l'agriculture familiale. Comme le souligne le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l'Afrique de l'Ouest (Roppa), il faut entre autres : faciliter l'accès à la terre et en particulier pour les femmes, renforcer l'accès au crédit des petites exploitations, ou encore mettre en place des formations adaptées et mieux structurer les aménagements des espaces agricoles en tenant compte des spécificités régionales.
Le statut des paysannes et paysans doit être revalorisé car ils sont les acteurs principaux de la souveraineté alimentaire en Afrique. L'agriculture qui répond à la demande locale mérite d'être soutenue et son dynamisme valorisé. Comme le rappelle le directeur de l'ONG Nitidae ’L'essor du vivrier marchand suit l'expansion des villes en Afrique de l'Ouest. L'agriculture familiale se révèle performante pour répondre à cette nouvelle demande, malgré les défauts de structuration du secteur, d'information et de soutien adéquat des pouvoirs publics’. Les conditions de vie en milieu rural doivent également s'améliorer afin de rendre plus attractif le métier d'agriculteur-trice auprès des jeunes.
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