Le mouvement des communs est profondément politique. Il s’incarne par des communautés qui décident de s’organiser autour d’une ressource concrète, par exemple un espace public, un jardin partagé, une plateforme numérique....
Au delà du partage d’expériences entre les participants, le Commonscamp était aussi l’occasion de discuter des stratégies politiques du mouvement des communs. Cinq stratégies ont été identifiées en particulier lors du Fishbowl :
Ces stratégies esquissées par les participants du Commonscamp permettent d'approfondir la vision politique du mouvement des communs.
La question de la définition des communs est une problématique importante. En effet, certains participants contestent la définition des communs comme ressources gérées par une communauté d’utilisateurs et veulent insister sur une définition des communs comme pratiques d’autogouvernement qui engagent ceux qui y participent. Autrement dit, « le commun ne se définit pas d’abord par la ressource et ses caractéristiques économiques spécifiques, mais par l’activité commune qui, à travers des problèmes qui se posent à elle, va prendre en charge des ressources qui ainsi deviennent des communs » (Dardot & Laval, 2014a).
Cette conception amène à la nécessité de réfléchir à des stratégies de renforcement des communautés pour qu’elles puissent mettre en place des pratiques d’autogouvernement. La création des assemblées des communs est l’un des moyens pour renforcer les communautés. Comme nous l’avons vu à travers l’exemple de l’Assemblée des Communs de Grenoble, les assemblées peuvent s’autosaisir de problématiques locales et mettre en place des actions concrètes visant à modifier la situation politique. Selon cette conception, « les Communs ne sont pas seulement une réponse à un besoin auquel le système ne répond pas. C’est surtout le porteur d’une autre vision. C’est un projet de société évidemment politique, une subsidiarité horizontale. Les pouvoirs publics ne devraient être que des facilitateurs et ne pas décider à la place des citoyens ».
La cartographie est l'une des stratégies des acteurs du mouvement des communs. Il s'agit généralement d'identifier des communs au sein d'un territoire et ainsi de relier les initiatives. Cette cartographie peut se faire à différents niveaux territoriaux (à l'échelle d'un quartier, d'une ville, d'une région, d'un pays ou même d'un continent...) et/ou en regroupant différentes thématiques (communs urbains, naturels, de la connaissance...).
Les cartographies des communs s'inscrivent souvent dans les pratiques de cartographie radicales ou subversives qui visent à créer des alternatives aux représentations dominantes. Par exemple, Mapping the commons est un projet développé par Pablo de Soto. Cette initiative a pour objectif de produire avec les habitants, les activistes dans le territoire, des cartographies vivantes, composées de courtes vidéos documentaires et de vidéoposts. La démarche prend la forme d’un intense atelier de plusieurs jours avec des étudiants en communication et des activistes pour rechercher les communs, les définir et les rendre visibles sur le territoire en produisant les médias qui constitueront la carte.
Dans le même registre, l'association Remix the Commons mène un projet d'Atlas des Communs qui cherche à dévoiler les mécanismes de gouvernance des communs urbains, apprendre de l'expérience de la co-production du droit et partager les tactiques de l'agir en commun (commoning) en milieu urbain.
Une troisième stratégie est l'élaboration de nouveaux outils juridiques en faveur du mouvement des communs.
Cette stratégie s’inspire du mouvement italien qui a tenté une transformation du droit légal à travers le projet de loi de la Commission Rodotà et la création de délibérations ou règlements municipaux à Naples ou Bologne. Toutefois, le droit des communs n’est pas le même dans chaque pays. Il est dont nécessaire d’adapter les stratégies en fonction des cultures juridiques nationales.
D’un point de vue juridique, le mouvement des communs est prometteur. Pour certains, les communs peuvent remettre en cause le statut du droit de propriété à l’intérieur du cadre légal actuel. Le mouvement des communs interroge également la place de l’État et le statut des biens publics. Certaines innovations juridiques récentes ont intéressé les participants comme, par exemple, la reconnaissance de la rivière Whanganui comme personne juridique et ’entité vivante’ par le Parlement de la Nouvelle Zélande en mars 2017 ou la proposition de faire émerger des droits communs complémentaires aux droits humains.
La réussite de cette stratégie dépendra de la capacité des acteurs à intervenir dans l’élaboration des lois et règlements juridiques, en particulier à l’échelle locale.
La quatrième stratégie est le déploiement des communs à l'échelle municipale. En effet, la ville ou le village paraissent être des échelles pertinentes pour développer les communs dans une visée de transformation sociale. L'échelle municipale permet d'envisager la diffusion des communs à travers des nouvelles politiques publiques locales mais aussi d'envisager la ville comme un commun. Cette stratégie s'inscrit également dans le mouvement du Droit à la Ville formulé initialement par Henri Lefebvre et repris par de nombreux activistes à travers le monde.
A partir de 2014, de nouvelles plateformes municipales en Espagne ont tenté de démocratiser les institutions pour que ce soit les habitants qui décident réellement des orientations de leur ville. Les communs ont été au coeur des nouvelles initiatives municipalistes intitulées ’Barcelone en Commun’, ’Valencia en Commun’, ’Zaragosse en Commun’...A Barcelone, une déclaration a défini les ’principes et engagements préalables » qui fondent la volonté de « gagner » la municipalité ;
La cinquième stratégie est une invitation à développer de la créativité dans le mouvement des communs à travers divers expériences qui associent les pratiques artistiques, les communautés et de nouvelles ressources. Cette voie semble prometteuse pour faire émerger de nouveaux communs et de nouvelles pratiques qui dépassent les limites institutionelles.
Ces nouvelles pratiques nécessitent d'établir de nouveaux protocoles, c'est à dire de nouvelles règles définissant les rôles de chacun à travers des processus qui créent des relations et transforment les habitudes et les réalités sociales.
Les premières étapes du webdocumentaire nous ont permis de donner un aperçu du mouvement des communs. Dans l'étape 2, nous avons abordé la question de la définition des communs à partir des expériences concrètes comme les assemblées des communs. Dans l'étape 3, nous avons approfondi l'expérience des communs urbains, à travers le cas emblématique de Naples, et des communs numériques à travers l'expérience du Transicope. Ces expériences nous ont permis de dégager cinq stratégies que nous avons présentées dans cette quatrième étape : le renforcement des communautés, la cartographie des communs, l'élaboration d'outils juridiques, l'art en commun et l'action à l'échelle municipale.
Evidemment, nous n'avons exposé qu'une partie des discussions de la première journée du Commonscamp. Il est possible d'approfondir vos connaissances en utilisant les alternatives, les ressources et les outils pédagogiques. Vous pouvez également compléter les échanges en ajoutant vos propres contributions. Dans les étapes suivantes, nous allons désormais passer à la seconde partie du webdocumentaire sur le municipalisme.
Soyez le premier à enrichir cette étape avec un outil !