« Quelles agricultures pour nous et notre planète ? » Une fois de plus, le débat citoyen a choisi un sujet sensible.
Au festival international de géographie de Saint-Dié (FIG) huit participants, tous impliqués de près ou de loin par la question agricole se sont réunis à l’initiative des petits débrouillards.
Le temps d’un week-end, le groupe a appliqué un mode de discussion démocratique et des outils alternatifs, pour tenter de mettre en lumière les enjeux d’un sujet complexe et houleux.
A l’heure des présentations, on découvre différents profils. Chacun des participants donne, en quelques mots, la raison de sa présence. Certains sont simplement venus par curiosité, d’autres beaucoup plus impliqués dans l’agriculture par le biais d’une association, de leur formation, ou agriculteurs par le passé. L’éclectisme c’est justement l’ingrédient qui favorise l’équilibre d’un débat citoyen.
Cette fois-ci, Henri de Une Seule Planète a laissé sa place d’animateur à Mathilde, des Petits débrouillards. C’est la première fois qu’elle anime un débat citoyen, et pour introduire cette première journée, l’animatrice rappelle les trois grands principes : la liberté de parole, la valorisation des opinions minoritaires et l’expertise collective sans prérequis.
Pour trouver au mieux les questions communes qui seront posées aux témoins, le groupe définit lui-même ses règles de discussion sur un tableau. Celles-ci sont très vites énoncés :
Chaque participant devra être clair, synthétique, et ne proposer qu’une seule idée à la fois. Aussi, trois rôles sont désignés : le maître du temps, le scribe et le porte-parole.
Mathilde dévoile sa stratégie d’animation : rendre autonomes les participants le plus rapidement possible afin qu’ils définissent eux-mêmes la forme que va prendre l’échange avec les témoins. Elle rassure de sa présence en cas de blocage.
« Certains animateurs préfèrent ne rien dévoiler et s’effacer au fur et à mesure. Il n’y a pas de règle », précise Mathilde, « l’animation est un outil du débat citoyen et peut prendre une tournure différente à chaque fois pour évoluer dans cette démarche de working progress » .
Afin d’orienter les participants, l’animatrice leur propose de se séparer en trois groupes pour formuler les questions que pourraient se poser les trois types d’acteurs du monde agricole : le citoyen, l’agriculteur et le président de la chambre d’agriculture.
A ce stade du débat, Flore s’exécute à une prise de notes graphiques. Un moyen selon elle, de s’immerger dans le débat et de marquer les moments forts. Ses premiers dessins montrent l’attitude des gens, et l’interaction qui se dégage au sein du groupe.
Après un premier moment d’échange, Jean-François, militant à Vosges Nature Environnement, constate que certains « gardent le micro trop longtemps ». Les règles sont effectivement très peu appliquées et les participants ont peut-être sous-estimé la phase de préparation.
Pour Elise, venue par curiosité « le fait d’être en trois groupes fait qu’on a pas appliqué les règles de parole, c’était plus des discussions que du débat ». « Il est difficile de savoir à ce stade s’il faut définir plus de règles » s’interroge Benjamin, ancien étudiant en agro-agriculture.
« Les participants se sont tous appliqués à s’écouter les uns les autres » tempère Michel, agriculteur en retraite. Après quelques remarques, le tour de parole est enfin mis en place pour sélectionner les questions qui seront posées à chaque témoin.
êtes vous satisfait du cadre de discussion ? from e-graine d’images on Vimeo.
A peine rentré dans la salle, les discussions sont vives. Les tensions qui existent au sein du monde agricole sont palpables. Plusieurs types d’agricultures se confrontent : conventionnelle, responsable et bio.
Les questions ont été formulées par thématiques, et ont pour chacune leur destinataire. Comment agir pour encourager l’agriculture responsable, comment mieux s’informer sur les produits que l’on consomme, quelles alternatives pour préserver l’environnement, pourquoi tous les agriculteurs ne passent-ils pas au bio ; tant de questions qui soulèvent les nombreux enjeux liés au monde agricole.
Très vite, la séance tourne au débat entre les témoins et différentes visions de l’agriculture se font ressentir. Simon endosse le rôle d’animateur et rappelle que leur présence a pour objet « d’apporter des éléments de réponse aux participants ». Mais, toujours dans un souci de valoriser l’opinion minoritaire, il laisse réagir qui veut après chaque intervention.
Comment s’est passé l’échange avec les témoins ? from e-graine d’images on Vimeo.
De son côté, Flore schématise, regroupe les idées à coup de flèches et de dessins pour rendre les objectifs et les enjeux visibles.
L’objectif de la deuxième matinée est de savoir sous quelle forme les participants vont confronter leur réflexion à celle du public. Le FIG a aussi été choisi pour profiter d’un public averti au moment de la restitution.
Simon propose de « se servir des différents supports visuels comme accroche » (règles de discussion mise sur papier, portraits réalisés par Flore, questions posées aux témoins). Antoine acquiesce en ajoutant que « le processus de construction du débat fait partie intégrante du procédé ».
A la vue des différentes propositions, Flore leur propose de réaliser une fresque sous forme de parcours qui « à la fois synthétiserait les différents points de vue, montrerait le processus de construction du débat, et ferait ressortir les multiples enjeux ». Aussi, un panneau avec l’ensemble des questions que se sont posés les participants sera un bon moyen d’interpeller les visiteurs.
La synthèse graphique du débat citoyen from e-graine d’images on Vimeo.
Le public, qui pensait venir assister à une conférence classique, est plutôt surpris face à cette façon alternative de procéder. Ce qui n’a pas manqué de susciter l’interrogation ou même d’agacer certaines personnes. Mathilde leur explique en quoi, justement, le débat citoyen bouleverse le débat classique, « systématiquement centré sur la parole d’un expert, et où le public ne peut intervenir que pour poser des questions ».
Quoiqu’il en soit, l’échange a lieu et des groupes de discussion se mettent naturellement en place devant le panneau de synthèse, les croquis de la première journée, ou devant le panneau de questions. Les participants s’appliquent à décrire le processus de construction du débat, et comment ils sont arrivés à mettre en lumière les différents enjeux.
Une boucle s’est ainsi opérée : un premier échange entre citoyens a débouché sur la formulation de plusieurs questions, posées dans un second temps à une série d’experts. Après restitution graphique de la réflexion collective, celle-ci est à nouveau confrontée à un public qui à son tour réagit.