Dans la capitale belge, entre 2000 et 2010, le prix des logements a doublé. Pour les familles modestes habitant la ville, deux choix s’offrent souvent à eux : occuper des appartements exigus et insalubres ou s’éloigner du centre ville. Mais certains d’entre eux s’organisent et développent d’autres façons de se loger, à l’abri des logiques du marché.
Tristement célèbre depuis les attentats de novembre dernier, le quartier de Moleenbeck a vu naitre plusieurs projets immobiliers portés par les habitants du quartier. Reportage.
En 2005, le projet l’Espoir voit le jour. Avec l’aide des associations de quartiers et du financement de la région de Bruxelles, 14 familles se réunissent autour de la même idée : accéder à un logement décent et abordable pour tous.
« On s’est mis à rêver de l’opportunité que l’on pouvait avoir. On disait que l’on voulait des maisons familiales pour ne pas gêner les voisins. Mais très vite on s’est rendu compte que le terrain était beaucoup trop petit pour des maisons » sourie Leila une habitante de l’immeuble.
Réalisé dans le cadre des contrats de quartiers financés par la région de Bruxelles, la construction de l’ouvrage est confiée à un fond de logement qui achète le terrain. Les familles négocient un prêt à 6%, ce qui leur permet de s’endetter à moindres frais…
« J’ai suivi le chantier. Je ne comprends toujours rien aux chantiers mais j’avais l’impression de faire quelque chose de bien. » Encore émue par cette occasion inespérée, Leila nous raconte la construction de son appartement malgré ses trois enfants et ses faibles revenus.
Achevé en 2010, 14 appartements divisent désormais cette immeuble. Un petit jardin partagé a depuis vu le jour sur le coté droit du bâtiment. Comme dans une copropriété, les familles se réunissent afin d’établir des règles sur la gestion des poubelles ou des parties communes.
Si la réussite de l’ouvrage est encourageante pour l’ensemble du quartier, Geert de Pauw, coordinateur du Community Land Trust Bruxellois pointe quelques limites à ce qui est souvent présenté comme un modèle d’habitat social dans la région.
« Les habitants ont été impliqués dans la construction de l’ouvrage et l’aide financière de la région a permis l’accès au crédit à des familles qui n’étaient pas en capacité d’y accéder. Le problème, c’est qu’une fois le bien acquis, les propriétaires des logements peuvent le revendre à tout moment, et selon le prix du marché. A la revente les appartements perdent donc tout le côté social et la démarche participative qui les a vus naitre. »
Fort de ce constat, un community land trust est créé en 2010 à Bruxelles. Née aux États-Unis dans les années 1970, les CLT fonctionnent de la manière suivante :
Dans un CLT, le sol (Land) c’est-à-dire le foncier, est placé entre les mains d’une entité qui l’administre de manière participative et non lucrative (Trust) dans l’intérêt commun (Community).
A deux pas de l’Espoir, un nouvel immeuble vient de sortir de terre l’année dernière. Construit à l’angle de deux rues du quartier, cet immeuble de 9 appartements est le tout premier géré par le CLT Bruxellois.
Au sein de ce CLT, les décisions sont prises à travers un vote de trois entités : les habitants de l’immeuble, les riverains et les pouvoirs publics. Chaque entité dispose du même nombre de voix lors du conseil d’administration.
« Cette dimension est importante car cela donne de l’implication aux habitants mais aussi à d’autres gens comme les riverains ou les collectivités locales. Cela permet de trouver un équilibre entre l’intérêt personnel et l’intérêt public des habitants. Dans une coopérative d’habitants par exemple, si la majorité des habitants n’est plus intéressée par le fonctionnement des pères fondateurs, elle peut revendre au prix du marché. » Tout en détaillant les avancées notoires que permet ce type de structure, Geert de Pauw précise le caractère social de ce CLT destinés aux revenus modestes.
Pour Aïssa, l’un des tout nouveau propriétaire de l’Ecluse, le CLT apporte différents avantages : « On se sent impliqué dans la conception du projet, de A à Z et il faut ensuite que l’on se concerte pour la gestion des partis communes. Mais le principal avantage c’est que grâce au CLT, on peut acheter 25% en dessous du prix du marché. »
Si le prix d’achat reste l’un des facteurs les plus motivants à l’adhésion au CLT, celui-ci ne suffit pas. Les CLT demandent une implication des habitants dans la gestion de leur bien tout en participant à l’avenir de la structure et au développement du CLT.
Un peu plus loin dans la ville, c’est une autre initiative citoyenne qui retient notre attention. Une friche de plusieurs hectares est l’objet de bien des discussions. Gérer un quartier en bien commun, c’est la proposition de plusieurs associations bruxelloises qui l’ont baptisé Commons Josaphat. Si les logements reprendraient en grande partie la gouvernance des CLT, le projet implique la gestion de commerces ou d’infrastructures tout en prenant en compte les problématiques de l’eau ou de l’énergie. Une proposition commune a ainsi émergé.
La région bruxelloise, propriétaire du terrain s’intéresse depuis peu au projet. Une initiative qu’il faudra suivre de près…