Le programme Une Seule Planète a organisé un débat citoyen le 10 décembre dernier intitulé : « Eau, villes et catastrophes climatiques ». Une dizaine de participants ont, le temps d’une après-midi, réfléchi à comment adapter et repenser la gestion de l’eau en milieu urbain face au changement climatique. Des alternatives intéressantes ont émergé, comme l’idée de construire désormais des cheminements de l’eau à ciel ouvert ou de réintégrer le végétal dans le bâti.
Jeudi 10 décembre. Le Pavillon de l’eau, lieu de sensibilisation et d’information sur l’eau, accueille le quatrième débat citoyen du programme Une seule planète, composé de participants initiés à cette thématique. Des référents techniques de mairie ainsi que des représentants de la société civile, comme des membres des ONG France Libertés ou Action contre la Faim, ont pris place dans la grande salle de conférence, chacun apportant son point de vue, au niveau local, national ou international. Les discussions prennent tout de suite une orientation technique.
Deux groupes sont constitués afin de synthétiser le thème en une question générale. Pour le premier, l’un des objectif principaux du débat est de savoir où concentrer ses efforts afin d’adapter la ville au mieux : « Vaut-il mieux défaire ce qui a été fait dans les mégalopoles développées pour repartir sur un système différent, se demande ainsi Alexandre, responsable technique à la ville de Paris, ou bien profiter des villes émergentes pour promouvoir des solutions nouvelles ? La deuxième solution nous paraît la moins chère et la plus efficace. »
Pour Julien, référent eau, assainissement et hygiène chez Action contre la Faim, il ne faut pas se méprendre sur le rôle de la ressource : « L’eau ne participe pas en soit au réchauffement climatique. L’impact du cycle de l’eau dans les émissions de gaz à effet de serre est très minime, en comparaison au secteur des transports par exemple. De plus, la quantité d’eau sur terre ne varie pas, explique-t-il. Par contre, le changement climatique va bel et bien avoir des impacts sur l’accès à la ressource ».
Repenser la place de l'eau from e-graine d'images on Vimeo.
Du côté de France Libertés, à l’inverse, on considère que l’eau et son cycle sont un facteur prépondérant du changement climatique. « L’équilibre du cycle de l’eau est fragile, reprend Jérémy, salarié de l’ONG fondée par Danielle Mitterrand. En le modifiant au niveau local, on perturbe le microclimat, et, par extension, on favorise le réchauffement climatique. »
Parler eau et climat, cela signifie-t-il réduire l’impact du cycle de l’eau en général sur le changement climatique ou bien s’adapter pour une meilleure gestion de l’eau en conséquence au changement climatique ? Difficile de se mettre d’accord à 100 % parmi les participants. Malgré cela, une question générale finit par émerger : comment construire et aménager une ville idéale autour de l’eau pour répondre aux difficultés du changement climatique ?
Deux témoins spécialistes de la gestion et de l’aménagement de l’eau en ville ont été invités : Marco Schmidt, ingénieur allemand présent à Paris à l’occasion de la COP 21, et Édouard Nicolas, également ingénieur. Tous deux présentent les projets et réalisations mis en place par leurs organismes, qui proposent des innovations intéressantes. « Pour nous, l’une des solutions est de rendre l’eau visible, explique ainsi Édouard Nicolas. Le problème, à l’heure actuelle, est que personne n’a conscience du cycle de l’eau, puisqu’il disparait dans des canalisations, des égouts... Et donc on ne voit pas son évolution. Avec le bureau d’étude pour lequel je travaille, nous proposons une gestion intégrée de l’eau, notamment via des cheminements à ciel ouvert, et non en circuit fermé, comme il est d’usage. »
Imaginez donc des espaces de stockage d’eau à ciel ouvert, multifonctionnels et pouvant servir également pour la biodiversité ou encore pour créer des ilots de fraicheur. Cela peut également être des espaces urbains, que l’on accepterait de voir inondés de temps en temps, comme un terrain de foot. Ainsi, pendant les fortes pluies, les lieux dont on n’a pas l’utilité (le terrain de foot donc) se transforment en lieux de stockage, ce qui évite d’en créer d’autres, plus coûteux, ailleurs. Cette proposition suscite l’intérêt des participants. « Si on va jusqu’au bout de la démarche, on pourrait imaginer utiliser cette eau stockée comme source d’énergie propre pour la ville », propose ainsi Gilles « Surtout cela permet d’impliquer davantage les citoyens dans la gestion », insiste encore Serge, bénévole de France Libertés.
Marco Schmidt, avec son expérience berlinoise, abonde dans le sens d’Édouard Nicolas : « Garder les eaux de pluie permet de créer un microclimat rafraichi à l’échelle de la ville. C’est pourquoi il est important de conserver tous les espaces végétaux possibles, forêts, jardins, plantes .. afin d’éviter l’évaporation de l’eau. » Il promeut ainsi la réintroduction d’espèces végétales notamment grimpantes, afin de garder les bâtiments au frais et éviter l’usage abusif de la climatisation, qui a un impact très important sur le réchauffement. Sans partir sur des projets complètement exubérants et bien trop chers, à l’image des forêts verticales présentées à la dernière exposition universelle à Milan, il suffirait de réintroduire du lierre pour déjà avoir un impact positif.
Tous ces exemples intéressent beaucoup le panel qui, en synthèse, propose trois orientations prioritaires pour repenser la gestion de l’eau à l’avenir. Tout d’abord : assurer le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous, par exemple via le développement des toilettes sèches dans les régions où la pression sur la ressource est trop forte ou encore via la mise en place d’une tarification progressive de l’eau pour permettre aux plus démunis d’y avoir accès quelque soit leur revenu. Deuxième proposition : faire de la ville une solution au changement climatique, en réintégrant le végétal dans le bâti donc. Enfin : accompagner les citoyens au changement, en sensibilisant l’ensemble des habitants (et non uniquement les scolaires) ou encore, en intégrant, de manière visible, la ressource dans leur quotidien, comme le propose Édouard Nicolas. Des alternatives déjà testées avec succès dans beaucoup de régions du globe et qui demandent maintenant à être généralisées pour un réel impact global.